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LA CRÉATION

En 1957, Paul AZAÏS, vedette de grand talent (135 films) voyait sa carrière interrompue par un terrible accident, tandis qu’il rentrait à bicyclette du studio de tournage, une voiture le renversait : 20 jours de coma, une longue convalescence. Trois jours de travail lui manquaient pour bénéficier d’une couverture sociale, le plongeant pour des années dans la plus noire détresse. Il décida alors de secourir, dés qu’il verrait la fin du tunnel, ses camarades en proie aux mêmes difficultés.

Ainsi, le 15 mai 1957, ayant à nouveau le pied à l’étrier, il fondait avec une femme au dévouement inépuisable,Janalla JARNACH, LA ROUE TOURNE, une association d’entraide du spectacle (loi 1901) et d’assistance et de bienfaisance (loi du 14 janvier 1933).

Leurs amis leur apporteront aide et soutien et c’est sous les auspices présidentielles de FERNANDEL et le parrainage de Jean MARAIS et de Michèle MORGAN que verra le jour le premier Comité d’honneur.

LES FONDATEURS

"Heureux ceux qui, plus tard, quand ils auront cessé toute activité, pourront se reposer en se disant : Ma vie a appartenu aux autres".

Paul AZAIS

Chevalier de l’Ordre international du Bien Public
Grand Prix Humanitaire de France
Médaille d’Or du Mérite National

Paul AZAÏS, était, dans la vie comme à l’écran, la parfaite incarnation du titi parisien. Avec sa faconde et sa bonhomie naturelles, ce petit homme râblé au sourire avenant représentait le copain, celui sur lequel on peut toujours compter, quoi qu’il arrive.

Sa carrière, il l’avait commencée comme figurant au Châtelet, avant d’obtenir des petits rôles dans des opérettes et dans des spectacles de music-hall.  À l’arrivée du cinéma parlant,c’est grâce à son expérience sur les planches qu’il est engagé pour tenir un petit rôle dans le premier film parlant français, "Les trois masques".

Dès lors, il sera adopté par le cinéma qui l’utilisera à satiété (dans plus de 135 films !) dans l’emploi auquel son physique et sa gouaille semblent le destiner : celui du brave type toujours prêt à consoler, à faire rire, à donner un coup de main. Il n’a rien d’un séducteur mais il peut être un parfait chevalier servant, d’ANNABELLA ("Anne-Marie") ou d’Edwige FEULLIERE ("Sans lendemain"). Pendant les premières années de l’Occupation, fort de sa popularité, il participera à quelques-uns des succès comiques de l’époque, aux côtés de RELLYS ("Narcisse") et de FERNANDEL ("Ne le criez pas sur les toits", "Adrien").

Malheureusement, en 1943, un drame viendra compromettre la suite de sa carrière de comédien. Suite à un accident de vélo qui lui vaut une fracture du crâne, il souffre de graves troubles de mémoire. Néanmoins, avec détermination et courage, soutenu par Janalla JARNACH, il finira par reprendre le chemin des studios. Mais ses prestations ne se limiteront plus qu’à des silhouettes.
 

Conscient de la précarité de ce métier auquel il a consacré toute sa vie, il fonde en mai 1957 La Roue Tourne, une œuvre d’entraide pour les comédiens nécessiteux, Il s’y investira sans compter jusqu’à la fin de ses jours , le 17 novembre 1974.

"La roue grince plus qu'elle ne tourne".

Janalla JARNACH

Chevalier de l’Ordre international du Bien Public
Grand Prix Humanitaire de France
Médaille d’Or du Mérite National

Comment ne pas être sensibilisée à ces valeurs admirables que sont le sens du devoir, le don de soi, l’ouverture à l’autre, quand on est apparentée à des hommes et à des femmes qui ont consacré leur vie a Dieu et à l’humanité, tel Monseigneur l’Evêque de Soissons, le Père Blanc d’Alger ou encore la directrice d’un orphelinat de Sélestat ?

Mariée à un pilote d’essai et de chasse mort au retour d’une mission, pendant la guerre 39-40, Janalla JARNACH entre au service de la résistance en janvier 42 au groupe du Docteur Paul Denis (réseau Alliance). Un sang froid remarquable et un dévouement à toute épreuve lui permettront d’accomplir des missions aussi délicates que périlleuses. Restauratrice, n’écoutant que son cœur, elle sauvera de nombreuses personnes menacées d’arrestation en les cachant et en les nourrissant.

Amie de la première heure, elle n’aura de cesse de soutenir Paul AZAÏS après son accident, consciente que pour un artiste la détresse morale est bien souvent supérieure aux problèmes financiers. Ils créeront ensemble, en mai 1957, La Roue Tourne. et en assumera la Présidence durant 47 années.
Comme elle aimait à le dire "la roue grince plus qu’elle ne tourne". Malgré l’ampleur des besoins et la pénurie des ressources, Janalla JARNACH aura su incarner d’imposante manière, cette force tranquille qui rassurait son entourage et désarmait les critiques. Elle nous a quittés le 14 février 2004.

LE PREMIER COMITÉ D'HONNEUR

FERNANDEL

Président

 


Lettre de Fernandel, President d'Honneur (1957 - 1971)
 

"Mon Cher Paul,
J’ai accepté d’être Président d’honneur pour essayer avec mon modeste nom d’apporter à nos camarades défavorisés et malades, une aide aussi bien morale que financière.
Depuis sa création nous ne pouvons que nous réjouir du résultat obtenu grâce à toi et à Madame Jarnach, sans oublier tous nos grands amis du Comité d’honneur.
En ce 10eme anniversaire, j’adresse à tous mon affectueux bonjour et je ne peux que souhaiter à notre association une longue vie pour adoucir celle des autres."

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Marcel ACHARD (de l’Académie Française)
André BOURVIL
Charles BOYER
Jacques BREL
René CLAIR (de l’Académie Française)
Jean COCTEAU (de l’Académie Française)
Annie CORDY
Paulette DUBOST
Joseph KESSEL (de l’Académie Française)
Dr Bernard LAFAY (de l’Académie de Médecine, ancien Ministre)
Jean MARAIS
Michèle MORGAN
Noël NOEL
Marcel PAGNOL (de l’Académie Française)
Tino ROSSI
SERGE
Sophie STAMBAT
Jacques TATI
Georges VANPARYS
Serge VEBER (Vice-Président de la Société des Auteurs Dramatiques)

LES TÉMOIGNAGES 

"La roue tourne pour tout le monde; mais pour certains, un triste jour, elle s’est mise à tourner à l’envers".

Marcel PAGNOL

La roue tourne pour tout le monde; mais pour certains, un triste jour, elle s’est mise à tourner à l’envers.

Assez souvent, c’est pour la célèbre « cigale imprévoyante » qui a cru que sa jeunesse et son talent dureraient toujours, et qui se réveille un matin accablée de lettres oubliées, mais dont les créanciers se souviennent très bien; plus souvent encore c’est un accident, la maladie ou la malchance qui ont ruiné la carrière d’artistes dont le talent avait mérité de grands succès.

Ces gens qui n’avaient vécu que pour la scène ou sur l’écran n’ont pas su trouver dans la vie courante un rôle à leur mesure.

Il est juste que les heureux de notre profession et le public qui les aima leur assurent une vie décente : c’est la tâche entreprise depuis longtemps par les animateurs de LA ROUE TOURNE, et ils l’ont pleinement réalisée.

"Par sa discrétion, son efficacité, son humanité, LA ROUE TOURNE est une association unique.".

Joseph KESSEL

C’était en 1913, au printemps, sur un banc du Luxembourg. Venu de province, je faisais alors ma première année d’études au Quartier Latin et le grand jardin royal m’enchantait. Quand la saison était favorable, j’allais souvent y préparer des cours. Cet après-midi là, il s’agissait d’Andromaque. J’avais déjà pris quelques notes lorsqu’un vieil homme s’assit près de moi. Je ne lui accordai qu’un bref regard, tout machinal, et l’oubliai. Il était d’ailleurs si mince et si léger qu’il ne tenait pour ainsi dire, pas de place sur notre siège commun. Mon travail m’absorba. Les groupes d’étudiants, les couples enlacés, les cris des enfants, les appels des oiseaux cessèrent d’exister. J’appartenais uniquement à la tragédie de Racine.

Soudain, contre mon oreille, s’éleva l’imprécation d’Oreste : "Grâce au ciel, mon malheur passe mon espérance". La surprise, d’abord, m’empêcha de comprendre. Puis, je pensai à mon voisin. Cependant la tirade se déroulait, s’enflait, allait à sa fin terrible. La voix qui la portait était cassée et son souffle court. Mais, de temps à autre une vibration passait émouvante, profonde, comme l’écho d’un vieux gong avant sa fêlure. Et surtout elle avait un sens étonnant du chant racinien et de sa frémissante passion.

On rencontrait, à cette époque, au Quartier Latin, d’étranges vieux clochards, imbibés de poésie tout autant que d’alcool et qui avaient fréquenté Moréas et Verlaine. Mon homme était l’un d’entre eux, me dis-je. Mais quand je me tournai de son côté, je vis qu’il n’avait rien d’un vagabond. Certes, il était vêtu pauvrement, mais avec cette netteté, cette sollicitude poignante pour le linge, le costume, les souliers qui sont sur le point de se défaire et que leur possesseur nettoie, blanchit ravaude, surveille anxieusement comme son dernier attribut de dignité. Oh ! non, mon voisin n’était pas un clochard. Il n’avait qu’une crainte : en prendre l’apparence. C’est pourquoi, sans doute, il me dit avec une courtoisie un peu emphatique, mais de bon aloi : Il faut me pardonner, Monsieur, cette manifestation. Votre livre a levé en moi des souvenirs dont la force l’a emporté sur la réserve d’usage. Car vous avez devant vous, Monsieur, un ancien pensionnaire du Théâtre-Français.

J’avais alors -et c’était un signe de mon âge- le goût le plus vif pour les récits que les vieux hommes faisaient de leur jeunesse. La distance du temps qui la séparait de la mienne me paraissait fabuleuse. Mon voisin de banc dût sentir cette curiosité. Il donna libre cours au besoin de revivre la meilleure part de mon existence. Il avait eu un deuxième prix de tragédie au Conservatoire. Et quels professeurs illustraient à son époque cette institution ! M. Jules Claretie, l’avait engagé à la Comédie Française. Quel administrateur ! Quelle Maison ! Il avait débuté dans le rôle d’Oreste. Il cita à ce propos, par cœur, des articles flatteurs. Et signés de quels critiques ! On n’en trouvait plus de pareils!

Son propos fut coupé par une toux longue, difficile, déchirante. Quand elle cessa, le visage du vieil homme était couleur de cendre et son regard vitreux. Il trouva tout de même la force de murmurer : veuillez m’excuser, Monsieur, il me faut prendre congé.

Il s’en fut à petits pas comptés, économes. Et le soleil de printemps soulignait sans miséricorde son corps décharné, et son dénuement. Le col roulé du veston…les franges aux poignets, au bas du pantalon… les souliers aux semelles béantes…

Misère de nous ! s’écria une bonne femme qui promenait sa petite fille. J’habite le même immeuble. Mais lui c’est la mansarde… Un grabat… Jamais de feu… Souvent pas de pain… Et fier avec ça… Refusant tout secours. Il a eu un beau passé, qu’on dit…

Trois jours après, par la même brave femme j’appris que le vieil homme était mort.

Les souvenirs de jeunesse ont un pouvoir singulier : quand mon ami Paul Azais m’a parlé pour la première fois de LA ROUE TOURNE, c’est à mon voisin de banc, au Luxembourg, que j’ai pensé d’abord.

Par sa discrétion, son efficacité, son humanité, LA ROUE TOURNE est une association unique.

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